Un arrêt rendu le 29 juin 2017 (n°16-17864) par la 2eme chambre civile de la Cour de cassation, témoigne, que l’épineuse question de la déductibilité de la prestation de compensation du handicap de l’indemnité définitive est toujours actuelle.
Pourtant, plusieurs arrêts ayant été rendus spécifiquement sur cette question depuis 2013, dont l’un en formation plénière de la deuxième civile de la Cour de cassation, pouvaient laisser penser la difficulté définitivement tranchée.
En l’espèce, suite à une opération de l’œil gauche, un jeune garçon perd la vision.
Une action est diligentée à l’encontre de son médecin et son préjudice est liquidé sur la base d’un rapport d’expertise, la juridiction lui allouant notamment une indemnisation au titre de l’assistance tierce personne.
Or, depuis plusieurs années, le jeune homme percevait la prestation de compensation du handicap.
La Cour d’appel de Lyon, jugeant que cette prestation était indemnitaire, décida de la déduire de l’indemnité qui lui avait été alloué.
Immédiatement, il convient de rappeler l’historique de cette prestation, versée par le département, sur le fondement de l’article L 245-1 du code de l’action sociale et des familles.
Tout d’abord, cette allocation n’est pas fixée selon conditions de ressources (sous réserve néanmoins d’une participation laissé à la charge de la victime en cas de dépassement d’un plafond de revenus)
Mais surtout elle est statutairement affecté à un besoin précis, sous contrôle du président du conseil général sous peine d’action en récupération.
Initialement la Cour de cassation jugeait cette prestation non indemnitaire, écartant ainsi toute interrogation de son imputation sur l’indemnité réparation l’atteinte à l’intégrité physique de la victime (Cass civ 2.28.02.2013 n°12-23.706).
Cependant, 4 mois après le dernier arrêt, un revirement de jurisprudence était opéré, la même formation affirmant finalement le caractère indemnitaire de cette prestation (Cass civ 2. 16 mai 2013 n°12-18.093).
Cette modification de sa nature entraina un bouleversement des règles régissant son imputation.
En effet, l’imputation des prestations versées par des tiers payeurs obéit à plusieurs règles, dont certaines, mais pas toutes, dépendent du caractère indemnitaire ou forfaitaire de cette dernière.
Tout d’abord, il s’agit des prestations visées ou versées par des organismes listés par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, pour lesquelles les tiers payeurs disposent d’un recours subrogatoire.
Ensuite, il s’agit des prestations visées par l’article 33 de la loi du 5 juillet 1985 ainsi qu’aux articles L 132-1 et L211-25 du code des assurances, dispositions relevant du même esprit, qui permettant à un assureur ayant garanti l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à la personne, de se subroger dans les droits de la victime pour obtenir remboursement des prestations indemnitaires versées.
Enfin, dès lors que l’indemnisation est versée par un fond légal d’indemnisation, plusieurs règles prévoient la possibilité pour ledit fond de déduire toutes les prestations indemnitaires d’ores et déjà versées et cela quand bien même le tiers payeur n’aurait pas droit à recours contre le fonds.
Cette possibilité existe pour l’ONIAM, conformément à l’article L 3122.5 du code de la santé publique, pour le FGTI, conformément à l’article 706-9 du code de procédure pénale et pour le FIVA conformément à l’article 53 IV.
La logique est donc la suivante, la prestation de compensation du handicap n’étant pas visée par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et le département n’étant pas un organisme mentionné par cet article, aucune imputation ne peut s’effectuer sur ce fondement.
Aussi, la prestation n’étant pas versée par un assureur, elle ne peut être imputée conformément aux 33 de la loi du 5 juillet 1985 ainsi qu’aux articles L 132-1 et L211-25 du code des assurances.
Dès lors, l’unique possibilité réside dans la possibilité pour les fonds légaux d’indemnisation de la déduire de l’offre d’indemnisation globale en raison de son caractère indemnitaire.
Par conséquent, l’imputation de la prestation de compensation du handicap n’est possible que lorsque le débiteur de l’indemnité est un fonds légal d’indemnisation et non pas un responsable ou un assureur et demeure attachée uniquement à la qualité du débiteur de l’indemnité.
C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans cette décision :
« Attendu que seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ;
Attendu que, pour allouer une certaine somme à M. Mehdi X… au titre de l’assistance par une tierce personne, l’arrêt énonce qu’à compter du 1er avril 2006, M. X… a perçu la prestation de compensation du handicap qui présente un caractère indemnitaire, dès lors qu’elle n’est pas attribuée sous condition de ressources et qu’elle est fixée en fonction des besoins individualisés de la victime d’un handicap ; que cette prestation doit être déduite des sommes allouées au titre de l’assistance par tierce personne ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la prestation de compensation du handicap, non mentionnée par le premier de ces textes, ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
La haute juridiction, censure la Cour d’appel, laquelle avait déduite la prestation, de l’indemnité due par un assureur de responsabilité, uniquement sur la base de sa nature indemnitaire.
La Cour de cassation rappelle que dans cette hypothèse d’application de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, seules certaines prestations versées par certains tiers payeurs peuvent être imputées, dont ne fait pas partie la prestation de compensation du handicap.
Il convient de noter que l’impossibilité de déduire une prestation de nature indemnitaire continue d’interroger tant en doctrine qu’en jurisprudence, le Conseil d’Etat jugeant pour sa part que cette prestation doit être déduite quel que soit le débiteur de l’indemnisation (CE 23.09.2013 n°350799).
Un projet de loi prévoit d’ailleurs d’inscrire les prestations versées prévues à l’article L.245-1 du code de l’action sociale et des familles sur la liste de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 (futur article 1274 du code civil) afin de solutionner définitivement la difficulté.
La pratique de la liquidation du préjudice corporel, obéit donc à des règles techniques, qu’il convient de maitriser afin de permettre d’obtenir une liquidation la plus juste et équilibrée sans appauvrissement ou enrichissement et le cabinet MBPTD met à votre disposition son expertise.
Thibault LORIN