Réparation du préjudice corporel

La réaffirmation par la Cour de cassation de l’indemnisation automatique de la victime d’un accident de la circulation – par Thibault Lorin

Par un arrêt rendu le 14 septembre 2017 par la 2e chambre civile de la Cour de cassation (n°16.21804) la haute juridiction a rappelé la nature atypique des règles régissant l’indemnisation des accidents de la circulation.

Les faits objet de l’arrêt étaient pourtant relativement simples dans leurs natures et modérés dans leurs conséquences, puisque la décision contestée avait été rendue par une juridiction de proximité (juridiction ayant été supprimée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle).

Deux véhicules circulant dans le même sens s’étaient accrochés et le propriétaire de l’un d’eux avait assigné l’assureur de l’autre afin d’être indemnisé de son préjudice matériel (soit le coût des dommages).

Il convient de rappeler que les accidents de circulations sont régis par la loi Badinter du 5 juillet 1985, adoptée dans un contexte d’augmentation drastique des accidents liés aux véhicules terrestre à moteur que le droit commun avait du mal à appréhender.

En effet, sous réserve que 4 conditions prévues par l’article 1 de la loi (véhicule terrestre à moteur, accident de la circulation, implication du véhicule dans l’accident, lien de causalité entre le dommage et l’accident) la victime a droit à indemnisation.

Seule une faute de cette dernière, dans certaines circonstances permet de limiter cette indemnisation.

Il convient de faire deux distinctions entre la victime non conductrice et conductrice d’une part, les dommages aux biens et les dommages à la personne d’autre part.

La victime non conductrice sera, en application de l’article 3 de la loi, indemnisée même en cas de faute (sauf hypothèse d’une faute inexcusable cause de l’accident) de ses dommages à la personne mais pourra se voir opposer, conformément à l’article 5 de la loi, toutes fautes pour l’indemnisation de ses dommages aux biens.

La victime conductrice peut se voir quant à elle opposer sa faute tant pour les dommages aux bien que pour ses dommages à la personne (article 4 de la loi).

Ainsi, le droit à indemnisation de toute victime est présumé entier par la loi, sauf au demandeur de démontrer une faute pour l’exclure ou limiter son étendue.

Or, au cas d’espèce, le juge avait estimé que les circonstances de l’accident étaient indéterminée et qu’ainsi le droit à indemnisation n’était pas établi : « Une collision étant survenue entre deux véhicules circulant dans le même sens, la société propriétaire d’un véhicule a assigné l’assureur de l’autre véhicule en réparation de son préjudice matériel. Pour rejeter ses demandes, le jugement énonce que les circonstances de l’accident n’étant pas déterminées, le droit à indemnisation de la société propriétaire du véhicule n’est pas établi. »

Manifestement, le Tribunal estimait nécessaire que la victime démontre qu’elle n’avait pas commis de faute pour être indemnisée, inversant ainsi le principe régissant l’indemnisation d’un accident de la circulation.

C’est ce que rappelle la Cour de cassation en retenant une violation de la loi : « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations qu’aucune faute n’avait été établie à l’encontre du conducteur du véhicule de la société, ce dont il se déduisait que le droit à indemnisation de celle-ci était entier, la juridiction de proximité a violé le texte précité. ».

Cette décision, pédagogique, rappelle aux juges du fond le principe vecteur de l’indemnisation des accidents de la circulation, à savoir que celle-ci est régie selon une logique d’assurance mais non de responsabilité.

 

Me Thibault LORIN - 2

Thibault LORIN

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