Ces dernières années furent l’occasion de l’adoption, par la gazette du Palais, de plusieurs versions actualisées du barème de capitalisation des rentes, plus précisément en 2011, 2013 et 2016.
Pour rappel, un barème de capitalisation est un outil permettant de convertir en un capital, une dépense annuelle engagée par une victime, afin de lui permettre d’assumer ladite dépense pendant toute la durée ou celle-ci s’avéra nécessaire.
Fruit de calculs savants et complexes, ce barème est schématiquement issu de deux données principales : l’espérance de vie et un taux d’intérêt de placement. En effet, l’idée est que la victime d’un dommage corporel placera la somme capitalisée afin d’engranger des intérêts qui serviront à couvrir les dépenses nécessitées par l’étendu de son préjudice.
Ce barème, seulement indicatif et coexistant avec d’autres outils (notamment le barème légal servant à la capitalisation des créances versées par les organismes de sécurité sociale), est devenu un véritable enjeu provoquant d’intenses discussions entre les victimes et les régleurs.
Le débat essentiel concerne le taux de rendement utilisé par le barème et la prise en compte de l’inflation dans sa détermination.
L’idée des auteurs du barème est la suivante : la victime, devant impérativement engager la dépense, aura recours à un taux de placement sécurisé. C’est pour cela qu’ils ont eu recours au TEC 10 (taux d’échéance constante à 10 ans) correspondant au taux de rendement que représente un prêt octroyé à l’Etat. Il s’agit indiscutablement d’un placement sûr, mais au rendement plus faible que celui que représenterait un montage financier complexe, réservé aux seuls initiés, telles que des sociétés d’assurance.
Dans l’esprit, la victime n’est pas guidée par une volonté d’enrichissement et nécessite l’utilisation d’un taux sans risque puisque sa survie dépend de manière directe et critique du placement de son indemnité.
En revanche, une compagnie d’assurance ou un organisme social, conduits par une logique de rentabilité jouissent d’une plus grande latitude dans la gestion du risque.
Cette différence est rappelée par la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 8 novembre 2016 (n°12/09041).
La première donnée de détermination du taux de rendement est donc fixée par le choix du taux de placement. Cependant, la question cruciale est celle de l’inflation. Logiquement, la victime devant affronter une dépense pendant plusieurs années, sera confrontée à la hausse des prix. Cette hausse doit elle être prise en considération ?
Dans l’affirmative, cela implique de diminuer le taux de rendement pour prendre en considération l’impact de l’inflation future et logiquement d’augmenter le capital initial qui sera versé à la victime. Pour assurer à la victime un rendement équivalent à celui qui lui aurait été versé grâce à un taux d’intérêt plus élevé, il convient d’accroitre le capital placé.
Les régleurs se sont fortement opposés à la prise en compte de l’inflation dans la détermination du barème de capitalisation, car cela se traduit par l’augmentation des capitaux, donc des indemnisations versées.
Le débat a commencé suite à l’adoption du barème de capitalisation 2013. La plupart des juridictions, progressivement convaincues par la pertinence économique et juridique de son application, ont fini par l’appliquer de manière uniforme.
A ce titre, Il convient de rappeler que par quatre arrêts rendus le 10 décembre 2015 (n°14-24443 et 14-26726) ainsi que le 15 décembre 2015 (n°14-27243 et 14-27244), la Cour de cassation a approuvé les juges du fonds retenant le barème de capitalisation de la gazette du palais tenant compte de l’inflation, indiquant que ce choix relevait de leur pouvoir souverain d’appréciation.
La rigueur et la pertinence du barème adopté par la gazette du Palais est donc validé par la jurisprudence et légitime son application à la capitalisation des arrérages futurs de postes de préjudices permanents renouvelables à échéances fixes.
L’application du nouveau barème semble donc promis à un bel avenir et offre de nouvelles perspectives pour les victimes.
A titre d’exemple, pour une dépense annuelle de 10 000,00 € devant être engagée de manière viagère par une jeune femme de 30 ans, l’indice retenu par la version 2016 pour obtenir le capital correspondant était de 40,942, permettant l’allocation d’un capital de 409 420 €. La nouvelle version 2018 propose un indice de 47,639 permettant l’allocation d’un capital de 476.390 €.
La maitrise des outils participant de l’évaluation d’un préjudice corporel est indispensable pour que soit déterminée l’indemnisation la plus juste. Le cabinet MBPTD met à votre disposition sa technique et son expertise en la matière.
Thibault LORIN