Les dramatiques attaques terroristes ayant frappé la France en 2015, outre les impacts pénaux et médiatiques indiscutables, ont également révélées certaines interrogations voire imperfections de la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 février 2018 (n°17-10.456) en est une parfaite illustration et décèle la perfectibilité du système.
Lors des attentats de l’hypercacher, survenus le 9 janvier 2015, une jeune femme, présente devant le magasin, s’était retranchée dans sa voiture avant d’être prise en charge par les forces de l’ordre.
Inscrite sur la liste unique des victimes d’infractions, le Fonds de Garantie des Victimes d’infraction (FGTI) lui octroya une première provision.
Profondément choquée, la victime formula une demande de provision complémentaire, laquelle fût refusée par le FGTI, estimant que sa qualité de victime était contestable.
Une procédure de référé est donc intentée et le magistrat estime que, dès lors qu’une première provision avait été versée, la contestation de la qualité de victime par le FGTI n’était pas sérieuse.
Surtout, le juge des référés faisait une distinction entre les victimes inscrites sur la liste unique établie par le parquet de Paris et les victimes saisissant directement le FGTI, sans être inscrites sur cette liste.
Selon le juge, la qualité des victimes inscrites sur cette liste ne pouvait pas être contestée et faisait foi.
Le FGTI forma un pourvoi en cassation, estimant notamment que l’inscription sur la liste unique des victimes ne l’empêchait pas de discuter, par la suite, cette qualité.
Préalablement il convient de rappeler la procédure d’indemnisation.
Crée en 1986 puis rebaptisé en 1990, le FGTI est chargé d’indemniser les victimes d’actes de terrorisme selon une procédure transactionnelle fortement inspirée de celle existant pour les accidents de la circulation.
Or l’article L 422-2 du code des assurances dispose « Le fonds de garantie est tenu, dans un délai d’un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit, sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés. ».
Les délais sont extrêmement courts et le FGTI doit distinguer entre les victimes inscrites sur la liste unique et celles le saisissant directement.
En effet, une instruction ministérielle relative à la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme du 6 octobre 2008, révisée le 13 avril 2016, prévoit notamment le recensement des victimes via une liste unique « des victimes présentées sur les lieux au moment de l’attentat ». Il s’agit de la fameuse liste unique des victimes dite LUV.
Sont recensés sur cette liste :
- les personnes décédées ;
- les personnes blessées ;
- les personnes impliquées qui étaient présentes sur le lieu des faits au moment de l’acte de terrorisme et exposées au risque et qui présentent un dommage physique ou psychique directement lié.
Cette liste est communiquée au FGTI en application de l’article R 422-6 du code des assurances précise : « Dès la survenance d’un acte de terrorisme, le procureur de la République ou l’autorité diplomatique ou consulaire compétente informe sans délai le fonds de garantie des circonstances de l’événement et de l’identité des victimes. En outre, toute personne qui s’estime victime d’un acte de terrorisme peut saisir directement le fonds de garantie. ».
Dès lors, la question posée était celle de la possibilité pour le FGTI de discuter la qualité de victime malgré l’inscription sur cette liste.
La Cour de cassation valide cette possibilité « Qu’en statuant ainsi, alors que la qualité de victime d’une personne inscrite sur la liste unique des victimes d’actes de terrorisme établie par le parquet du tribunal de grande instance de Paris pouvait être contestée par le FGTI, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
Le FGTI dispose donc de la possibilité de discuter la qualité d’une victime nonobstant sa reconnaissance par les différentes autorités intervenues pour la constitution de la LUV.
Cette décision apparait extrêmement sévère et surtout contraire à l’instruction ministérielle. En effet, n’y sont recensées que trois catégories de victimes.
Tout d’abord les victimes décédées ou blessées et dont la qualité ne peut pas être discutée.
Ensuite, il s’agit des les personnes impliquées qui étaient présentes sur le lieu des faits au moment de l’acte de terrorisme et exposées au risque et qui présentent un dommage physique ou psychique directement lié.
Trois conditions cumulatives sont donc nécessaires et il apparait avec évidence que toute personne présente, exposée au risque et présentant un risque de dommage psychique ou physique a subi un traumatisme.
Dès lors, il faut convenir que si les différentes autorités rédactrices de cette liste ont estimé légitime l’inscription d’une personne, cette qualité de victime s’impose par la suite.
L’inscription sur la liste unique des victimes n’est pas déclarative, mais conditionnée par des critères précis écartant toute discussion ultérieure.
Une réforme soit législative soit jurisprudentielle rendant cette qualité irréfragable en cas d’inscription sur la liste s’avère indispensable.
Thibault LORIN