Comme nous l’avons rappelé dans une précédente note, les règles régissant la preuve de la liquidation du préjudice corporel présentent plusieurs particularités régulièrement rappelées par la jurisprudence.
L’expertise se révèle être une étape essentielle du parcours de détermination, d’évaluation puis de liquidation du préjudice.
Le débat, essentiellement médical et technique, implique que chaque partie soit accompagnée de professionnels du secteur médico-légal pour notamment discuter équitablement avec l’expert désigné et surtout d’un avocat spécialisé.
Le rôle des parties concernera principalement la détermination et l’évaluation des postes de préjudices patrimoniaux, s’agissant notamment des dépenses de santé actuelles, des frais futurs ou des différentes adaptations du quotidien de la victime (que ce soit le véhicule ou le logement).
Si les séquelles et l’évaluation médico-légale du préjudice sont identiques, la réparation sera différente en fonction de la spécificité de la victime.
L’indemnisation du préjudice corporel obéit au principe de la réparation intégrale, révélé par la jurisprudence laquelle affirme depuis un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 octobre 1954 :
« Le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de placer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » Civ. 2, 28 octobre 1954, J.C.P. 1955, II, 8765
Fréquemment rappelé par la Cour de cassation, il s’agit du « principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime » (Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 mars 2018, 17-15260)
Concrètement, il appartient à la victime de prouver que le dommage subi est bien imputable au fait générateur, ce dernier devant bien être à l’origine des lésions présentées.
Essentiellement débattue lors de l’expertise médicale, sans que les conclusions expertales ne puissent contraindre le juge[1] , la question de l’imputabilité prend une mesure particulière s’agissant de séquelles inversement proportionnelles à la gravité d’une atteinte physiologique.
En effet, certains traumatismes diagnostiqués comme légers, voire même non diagnostiqués, ne sont pas pris en charge alors que, plus tard, des séquelles cognitives et comportementales graves se révèlent.
C’est le cas des décompensations ; qui sont, pourtant, toujours imputables au fait dommageable.
La jurisprudence est constante sur cette question: chacun des facteurs qui a contribué au dommage est l’une des causes de celui-ci et si l’une de ces causes avait manqué le dommage ne se serait pas produit :
« En estimant que le licenciement de la salariée plus de deux ans après la consolidation des séquelles n’était pas imputable à l’accident sans répondre aux conclusions de cette dernière qui faisait valoir qu’elle avait été placée constamment en arrêt de travail à compter de la date fixée pour la consolidation jusqu’à son licenciement prononcé pour inaptitude médicale, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile (CPC, art. 455). (Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n° 11-14.141 : JurisData n° 2012-001757).
Dès lors, si le traumatisme a révélé le dommage séquellaire, celui-ci lui est entièrement imputable : « l’imputabilité d’un dommage corporel doit être appréciée sans qu’il soit tenu compte des prédispositions de la victime dès lors que ces prédispositions n’avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s’est produit le fait dommageable » (Cass. 2e civ., 10 nov. 2009, n° 08-16.920 : JurisData n° 2009-050246 )
Tous les justificatifs attestant du lien entre une décompensation et une limitation professionnelle-notamment la perte d’un emploi, doivent impérativement être conservés.
Aussi il est à noter que si la demande d’indemnisation formulée par la victime apparaît excessive, il appartient au responsable de solliciter de nouveaux éléments.
Par ailleurs, chaque procédure obéit à des règles spécifiques en fonction de la nature de l’accident (médical, circulation ou autre) de l’ordre de juridiction (judiciaire ou administrative) de la nature contentieuse ou amiable, de la mise en cause de fonds de garanties en cas d’absence ou d’insolvabilité d’un responsable.
Enfin, la liquidation d’un préjudice corporel implique le maniement de différents outils, comme des barèmes de capitalisation.
Pour rappel, ce barème permet de convertir en un capital, une dépense annuelle engagée par une victime, afin de lui permettre d’assumer ladite dépense pendant toute la durée ou celle-ci s’avéra nécessaire.
Fruit de calculs technique ; il est issu de deux données principales : l’espérance de vie et un taux d’intérêt de placement.
En effet, l’idée est que la victime d’un dommage corporel placera la somme capitalisée afin d’engranger des intérêts qui serviront à couvrir les dépenses nécessitées par l’étendue de son préjudice.
Après avoir publié un premier barème en 2004, la gazette du palais a procédé à des actualisations en 2011, 2013, 2016 et maintenant 2018.
Bien maitrisées, ces règles permettent d’obtenir des liquidations au plus près des intérêts.
Maître Thibault LORIN, associé du cabinet MBPTD en charge de la direction du pôle préjudice corporel, met à votre disposition son expérience et ses connaissances pour vous accompagner au mieux.
[1] « Ainsi que l’a justement dit le tribunal, si une victime peut demander la réparation d’un préjudice non retenu par l’expert, dont l’avis ne lie pas le juge, et sans avoir recours à quelque autre service, » (Cour d’appel ; Paris ; Pôle 2, chambre 3 ; 31 Mai 2010 N° 08/07561)