Plusieurs articles ont déjà été consacrés à l’évaluation du préjudice professionnel subi par les victimes d’un accident ayant entrainé un dommage corporel.
Depuis ces dernières semaines, la Cour de cassation semble manifestement vouloir dessiner une méthode d’évaluation bien spécifique de ce poste de préjudice.
Il s’agit principalement de la question de la perte de gains professionnels futurs subi par ces dernières.
Un arrêt rendu le 24 mai 2018 par la 2ème Chambre Civile de Cassation sous le numéro 17-18834 est particulièrement éloquent.
La semaine dernière, nous avions rappelé que la Cour de cassation jugeait que la certitude de l’impossibilité pour une victime de conserver une rémunération équivalente à celle qui était la sienne avant l’accident se traduisait nécessairement par une perte de gains professionnels futurs.
Une autre question devait néanmoins être tranchée, à savoir celle de l’évaluation du préjudice professionnel d’une victime ayant stoppé son activité professionnelle suite à un accident ou à une agression.
Il s’agit du cas d’espèce tranché par la Cour de Cassation dans le présent arrêt.
Le 29 juin 2009 un agent de surveillance est victime de violences volontaires dans l’exercice de sa profession.
Il saisit la commission d’indemnisation des victimes d’infraction aux fins de réparation de ses préjudices.
Une expertise judiciaire est ordonnée au cours de laquelle il apparait que la victime a cessé son activité professionnelle.
La question de l’indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs se pose.
A cette occasion, s’agissant d’un accident du travail, une pension lui était versée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.
Conformément à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, en tant que prestation versée par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, cette pension devait être déduite de la perte de gains professionnels futurs.
Mais à quelle hauteur devait s’apprécier ladite perte?
Par un raisonnement à première vue parfaitement cohérent la Cour d’appel de MONTPELLIER a évalué cette perte de gains professionnels futurs en capitalisant le salaire qui aurait dû être le sien si elle avait conservé son emploi et a déduit de cette somme le reliquat que ce dernier obtiendrait par la capitalisation de sa pension d’invalidité.
S’agissant d’une victime d’infraction, l’action était dirigé contre le FGTI, lequel se pourvu en cassation estimant qu’avant d’évaluer une perte de gains professionnels futurs définitive, la Cour d’appel aurait dû rechercher si la victime demeurait potentiellement apte à exercer une activité professionnelle.
Ce raisonnement est suivi par la Cour de Cassation : «Que se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il lui était demandé, que M. B… était, à raison de l’infraction dont il avait été victime, dans l’impossibilité définitive d’exercer une activité professionnelle, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; »
Ce que nous avions supposé lors de la rédaction du précédent article est confirmé.
Dès lors que la victime stoppe son activité professionnelle, cela n’est pas suffisant pour pouvoir évaluer une perte de gains professionnels futurs.
Il appartient à la victime de démontrer qu’elle n’est plus apte à exercer la moindre activité professionnelle et c’est seulement à cette seule condition, au regard du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit qu’elle sera indemnisée.
Dès lors, il faut maintenant considérer comme acquis qu’arrêter son activité professionnelle n’est plus suffisant pour pouvoir bénéficier d’une perte de gains professionnels futurs.
A notre sens, il convient tout de même de réserver l’hypothèse où la victime est déclarée inapte à sa profession.
Dans cette occurrence, il faut à minima que la victime soit considérée comme inapte à exercer une activité professionnelle spécifique.
C’est dans l’hypothèse où cette activité particulière aurait procuré des revenus supérieurs à celle pour laquelle elle demeure apte suite à l’accident que le principe d’une indemnisation sera établi.
Dès lors, nous pouvons que convenir que cette décision renforce considérablement le rôle des experts judiciaire, en ce qu’ils leurs appartient de se prononcer sur l’aptitude conservée ou non d’une victime à exercer une activité professionnelle.
C’est pourquoi, il convient d’être extrêmement vigoureux et vigilant à l’occasion de l’expertise et de bien indiqué quelles sont les limitations empêchant une victime d’exercer une profession.
Manifestement, la Cour de cassation établit un guide d’évaluation du préjudice corporel des victimes avec de plus en plus de précision.
C’est pourquoi la matière nécessite une expertise et une technicité indispensable à la préservation des intérêts des victimes d’accidents de dommages corporels.
Naturellement, le Cabinet MBPTD se met à votre disposition dans le cadre de tous processus indemnitaires.