INTERNATIONAL, Réparation du préjudice corporel

Le verdict MONSANTO : une possibilité Française ? – par Thibault Lorin

Si le verdict rendu par le jury du Tribunal de San Francisco dans le procès opposant le Géant de l’Agrochimie MONSANTO à un jardinier atteint d’un cancer Dewayne Johnson déchaine les passions en raison de son impact tant symbolique, commercial et industriel, le montant des dommages et intérêts alloués conduit nécessairement à s’interroger sur l’accueil qui serait réservé à une telle plainte en France.

Pour cela, il convient de distinguer la potentialité d’engager la responsabilité de la société MONSANTO, de la mesure de l’indemnisation une fois la responsabilité tranchée.

Sur le premier point, le Droit Français permet indéniablement l’engagement de la responsabilité en cas de fait similaire via les règles régissant le principe de la responsabilité des produits défectueux. Ce régime prévu par les articles 1245 à 1245-17 du code civil est issu de la Directive n°85/374/CEE du Conseil de l’union européenne du 25 juillet 1985, visant à une harmonisation, en la matière,  des législations des différents états membres.

Plus spécifique dès lors qu’un produit « n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (article 1245-3 du code civil), une victime peut obtenir réparation du producteur sous réserve que plusieurs conditions soient réunies.

Plus spécifiquement, le même article dispose que « Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. ».

Au cas Américain jugé, Dewayne Johnson reprochait notamment au groupe de ne pas l’avoir alerté sur les risques d’une utilisation prolongée. Il s’agissait d’une déficience de présentation du produit, qualifiable de défaut de sécurité.

De fait, MONSANTO étant le producteur des produits qu’il commercialise, toute victime utilisatrice pourrait engager sa responsabilité dans l’hypothèse où le produit présenterait un risque insuffisamment annoncé.

Par ailleurs, par un arrêt rendu par la Chambre mixte du 7 juillet 2017 n°15-25.651, la Cour de cassation a eu à juger le cas d’un jardinier intoxiqué et a imposé à la Cour d’appel de renvoi de s’interroger sur l’applicabilité du régime de responsabilité du fait des produits défectueux, laquelle devrait juger ce dossier en février 2019.

Sur le second point, celle de la mesure de l’indemnisation, la transcription d’un tel jugement semble en revanche, en l’état actuel de la jurisprudence et du droit français, improbable.

En effet, si 289 millions de dollars ont été alloué au plaignant, l’indemnisation se décompose entre 250 millions de dollars de dommages punitifs et 39,2 millions de dollars d’intérêts compensatoires.

D’ores et déjà, les dommages et intérêts punitifs ne sont pas un outils prévus par la législation Française

Contrairement au système juridique américain qui permet l’octroi de dommages et intérêts punitifs, le droit français applique strictement le principe de la réparation intégrale qui exclut toute idée de sanction et de profit.

Le droit européen est même frileux à un tel concept puisque un rapport sénatorial rappelle qu’aucune tentative d’harmonisation européenne n’est intervenue en la matière.

En particulier, le règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit règlement « Rome II ») autorise expressément, en son article 32, le recours des tribunaux des États membres à l’exception d’ordre public et aux lois de police afin, notamment, de paralyser l’application d’une disposition de la loi désignée par ce règlement qui conduirait à l’octroi de dommages et intérêts exemplaires ou punitifs non compensatoires excessifs.

Dès lors, seuls des dommages et intérêts compensatoires, en l’espèce 39,2 millions de dollars, soit 34 millions d’euros pourraient être éventuellement alloués à une victime.

Immédiatement, il convient de rappeler que rien n’interdit théoriquement en droit français l’allocation d’une telle somme, puisque l’indemnisation obéit au principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et n’est donc pas limitée.

En revanche, force est de constater que les barèmes actuellement utilisés par les juridictions, notamment pour l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux, ne permettent pas d’aboutir à un tel montant. Tout au plus la liquidation d’un préjudice patrimonial, notamment professionnel exceptionnel, pourrait justifier une telle indemnisation.

Aussi, le procès MONSANTO ouvre la voie à la mobilisation de postes de préjudices spécifiques notamment le préjudice d’angoisse, comme l’illustre les affaires mettant en scène une contamination par l’amiante.

La question de la réception de cette décision qui, quoique frappée d’appel, aura un rayonnement indiscutable, par les juridictions Françaises, devra être suivie de prêt et impose aux avocats de proposer une évolution du droit de la liquidation du préjudice corporels en s’inspirant de l’apport Américain.

Naturellement, le cabinet MBPTD entend prendre part à cette aventure.

 

Me Thibault LORIN - 2

Thibault LORIN

 

 

 

 

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